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Droits de reprographie sous la loupe européenne

12-01-16

En matière de reprographie, le législateur belge a développé un double système de rémunération visant à indemniser le préjudice résultant de la reproduction d’œuvres protégées par les droits d’auteur que subissent les auteurs et les éditeurs.On distingue :
– d’une part, les « redevables » (fabricants) qui paient une rémunération à l’occasion de chaque vente d’un appareil de reproduction. Ce montant figure sur la facture lors de l’achat d’un copieur ;
– et d’autre part, les « débiteurs » (entreprises, universités, etc.) qui, quant à eux, paient une rémunération sur la base du nombre de copies effectuées.
Un tarif (avantageux) – appelé « tarif de coopération » – a été établi pour ceux qui apportent leur collaboration en faisant une déclaration annuelle auprès de Reprobel. Ces tarifs ont été fixés dans un arrêté royal.
Reprobel est la société chargée de percevoir ces deux types de rémunération. Elle a reçu pour cela un mandat (également appelé « licence légale ») du législateur. Les montants qu’elle perçoit sont ensuite répartis à parts égales entre les sociétés de gestion des auteurs (SAJ, SABAM, SOFAM, etc.) et les sociétés de gestion des éditeurs (Librius, Copiebel, Copiepresse, etc.). À leur tour, les sociétés de gestion veillent à ce que les droits parviennent à l’auteur ou l’éditeur concerné.

Un des fabricants de ces copieurs – Hewlett-Packard (HP) – est engagé, depuis 2010, dans une procédure judiciaire contre Reprobel. HP conteste les rémunérations sur les appareils multifonctionnels équipés tout à la fois d’une fonction d’imprimante et de copieur. Dans le cadre de ce litige, la Cour d’appel de Bruxelles a posé des questions préjudicielles à Cour de Justice de l’Union européenne.
En novembre dernier, le juge européen a mis en parallèle la législation belge actuelle avec la Directive européenne 2001/29. Il a notamment constaté (1) que le législateur belge a opté pour un traitement de l’auteur et de l’éditeur sur un pied d’égalité, dans le même cadre législatif. Or, estime la Cour, l’éditeur n’est pas un « ayant droit » au sens de la directive et il ne peut dès lors pas profiter de ce système légal. Cependant, la Cour n’exclut pas qu’un droit sui generis soit prévu par le législateur national au profit de l’éditeur. La Cour ne remet pas en question une rémunération équitable pour les auteurs.
La tarification et le double système de rémunération ont également été examinés de près. Un système double reste possible, mais il y a lieu de l’améliorer. Ainsi, la Cour a-t-elle estimé qu’un « tarif préférentiel de coopération » n’est pas permis et que, d’autre part, il y a lieu d’établir un tarif distinct pour les appareils destinés aux consommateurs.
La Cour indique encore qu’il faut éviter toute « surcompensation » de l’auteur. Mais on est loin du compte dans notre contexte national. Depuis 10 ans, les autorités belges tardent à promulguer un arrêté royal qui inclurait les imprimantes dans la législation en matière de reprographie. Celle-ci se limitant, à ce jour, aux photocopieurs. Il ne peut donc être question de « surcompensation ».

La législation belge semble donc caduque sur certains points, sans toutefois n’avoir aucunement été annulée par cette décision européenne. La Cour d’appel de Bruxelles doit, aujourd’hui, se mettre au travail en se basant sur l’analyse de la Cour européenne et prendre une décision dans l’affaire qui lui a été soumise. Si elle estime que la législation belge n’est pas conforme sur certains points au droit de l’Union, elle pourra prendre des décisions ayant des répercussions limitées au futur ou ayant un impact sur le passé.
Toutes les parties ont donc intérêt à voir le législateur belge prendre rapidement les mesures nécessaires pour mettre la législation actuelle « en conformité avec la directive ».
Nul doute que les auteurs et les éditeurs sont lésés (et continuent de l’être) par la copie d’œuvres protégées par des droits d’auteur (une œuvre littéraire, une photo, un article de journal, etc.).

Anne-Lize Vancraenem
Directeur général SAJ

(1) Autre constat : la directive prévoit une exception pour les partitions musicales. Le législateur belge n’a toutefois pas tenu compte de cette exception. Reprobel ne peut donc percevoir une rémunération pour la copie de partitions. L’éditeur ou l’auteur d’une partition devra donc lui-même établir des tarifs et conclure des contrats avec les utilisateurs de la partition (les écoles de musique par exemple).